Himalayan story including  Pemba Sherpa

Thomas Le Jounan (Canada)

Dec 02,2020

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Pemba Sherpa, la montagne au coeur

l y a Imountain un an jour pour jour, 16 sherpas ont été emportés par une avalanche au milieu de la dangereuse « cascade de glace », premier passage à risque jusqu’au sommet du mont Everest
 

Notre collègue Thomas Le Jouan a atteint le mythique camp de base de l'Everest lors d'un trek effectué l'automne dernier avec sept autres aventuriers. Il s'est lié d'amitié avec son guide, un jeune Sherpa qui n’a pas froid aux yeux. Survol d'une vie peu ordinaire.Des propos recueillis par Laurence 

NiosiPhoto : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Les guides de la communauté sherpa sont les premiers exposés aux risques dans les différents treks et ascensions qu’ils préparent et encadrent. Ces hommes endurants et courageux profitent du tourisme international toujours plus important de décennie en décennie et se sont spécialisés comme guides lors des expéditions au sommet des plus hautes montagnes de l’Himalaya, l'Everest en tête.Pemba Sherpa, 30 ans, est l'un d'eux. Guide depuis six ans, il a accompagné de nombreux groupes dans les montagnes du Népal et d’ailleurs. S’il n’a pas encore atteint le sommet de l’Everest, son palmarès compte plusieurs sommets himalayens, donc l’Island Peak

 

Pemba est né dans les montagnes à 3000 mètres d’altitude, dans une des huit maisons que forme le village de Rangel, où ses parents et deux de ses soeurs habitent encore. Son nom signifie samedi puisque, traditionnellement, le prénom des hommes correspond au jour de la semaine où ils sont nés.

À 12 ans, il arrête l'école contre sa volonté pour devenir berger et aider sa famille avec les bêtes. S’il n’est plus contraint de marcher deux heures pour aller à l’école, il continue de marcher sur ce qu’il appelle le « plat népalais » (montées et descentes incessantes) pour accompagner les bêtes, seul moyen de transport dans les montagnes. 

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Agriculteurs, ses parents possèdent plusieurs têtes de bétail et, surtout, un yak. L’animal emblématique du Népal est une ressource importante, car il permet de le croiser avec des vaches et de donner naissance à des dzo (ou dzoppio en sherpa), dont la résistance, principalement en plus basse altitude, et le prix bon marché permettent de générer davantage de revenus. Ils sont utilisés comme porteurs de charge (environ 130 kilos), fournissent de la laine, du cuir, de la viande et des produits laitiers. De plus, leurs bouses sont souvent séchées et utilisées comme combustible.

Deuxième fils de la famille, Pemba se prédestinait, comme le veut la tradition sherpa, à une carrière de lama (prêtre bouddhiste). Son grand frère ayant choisi cette voie avant lui, Pemba choisira une autre profession.

 

: ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Pemba se marie à l’âge 16 ans dans le village de son enfance et décide de partir vivre à Katmandou pour trouver du travail. Comme de nombreux sherpas, il est embauché comme porteur dans une agence qui organise des treks et des ascensions dans les différentes montagnes de l'Himalaya.

: ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Les Sherpas, qui sont environ 155 000, sont un peuple montagnard originaire de l’est du Tibet (sherpa signifie « peuple de l’est »). Les premières expéditions britanniques ont profité des facilités physiologiques naturelles des Sherpas en haute montagne pour les aider dans les premières ascensions.Ils ont acquis leur renommé de porteurs et de grimpeurs hors pair au fil des ans et des expéditions. Les guides qui parlent français peuvent gagner entre 40 et 70 $ par jour, alors que le salaire moyen au Népal est de 700 $ par année. Le coût moyen d'une expédition sur l'Everest se situe autour de 55 000 $ par personne.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Aujourd’hui, de nombreuses autres ethnies tentent de profiter de cette popularité pour introduire le marché des treks et des ascensions, mais les Sherpas restent la référence dans ce domaine. Au sein même de la communauté sherpa, la concurrence est rude pour obtenir les places dans les différentes expéditions les plus profitables et les plus valorisantes.Cependant, cette estime internationale les expose également aux plus grands risques, comme en témoignent les accidents passés et récents à l’Everest et dans les autres montagnes de l’Himalaya

.Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Un arrêt dans la ville de Namche Bazaar, surnommée la capitale du pays sherpa, est une étape obligatoire pour le trek vers le premier camp de base de l’Everest. La bourgade de 1700 habitants située à 3440 mètres d’altitude abrite un marché presque quotidien.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Le métier de guide est principalement exercé par des hommes, mais on croise de plus en plus de filles porteuses sur les routes qui mènent aux différents villages de la vallée du Khumbu. Mais on ne devient pas guide du jour au lendemain.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Pemba, qui a monté les échelons un à un, en sait quelque chose. Il a d'abord été porteur pendant quatre ans, aide-cuisinier un autre quatre ans, puis cuisinier pendant deux ans. Ayant repéré le potentiel de Pemba, le propriétaire de l’agence qui l'embauchait, Jérôme Edou, a décidé de l'aider à se faire connaître des visiteurs francophones.C'est que Pemba a effectué deux voyages en France en 2010 et 2013 pour perfectionner son français. À son premier voyage, il ne connaît que les mots « bonjour » et « merci ». Pemba peaufine aussi son français à l’Alliance française de Katmandou et devient guide en 2012.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Grâce à la maîtrise du français, Pemba parle maintenant six langues (népalais, sherpa, tibétain, anglais, hindi et français). Associées à sa connaissance de la montagne, ses facilités lui permettent d’être l’un des meilleurs guides et lui offre l’occasion de faire découvrir les magnifiques paysages népalais aux étrangers.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

La saison de guide est courte; elle s’étale sur trois mois, d’octobre à décembre. Le reste de l’année, Pemba travaille peu et vit à Katmandou. Il veille au bien-être de sa famille. La condition de guide, si elle reste privilégiée pour le niveau de vie népalais, reste difficile. La vie à Katmandou est compliquée et l’école est chère.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

L'homme de famille veut donner toutes les chances à ses enfants. Ainsi, il les a inscrits dans une école privée tibétaine. Sa fille souhaite devenir médecin et son fils aimerait suivre les pas de son père dans la montagne.Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

La vie à Katmandou n'est pas idéale pour Pemba. La capitale du Népal est polluée, très peuplée et chère. Ce choix difficile a été dicté par l'avenir de ses enfants. « C'est ma vie la montagne. J’ai toujours voulu travailler dans la montagne », raconte-t-il à son nouvel ami Thomas.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

Pemba caresse deux rêves pour le futur. Il souhaite voyager aux États-Unis et au Québec (où il a maintenant un ami rencontré lors de deux expéditions) et bâtir une maison à Katmandou pour sa famille.

Photo : ICI Radio-Canada/Thomas Le Jouan

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